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Archéologie expérimentale à Aubervilliers : autour de l’affinage de l’argent

Direction : Nicolas Thomas & Lise Saussus

Étudiant.es de la formation des restaurateurs de l’Institut national du Patrimoine, dans la spécialité « Arts du feu » : Aurore Ledésert, Théo Levaltier, Alice Moog, Yaël Peyran

En 2014, des fouilles archéologiques préventives ont été réalisées par Monument Vandekerckhove aux abords du village d’Oostvleteren, dans la plaine maritime flamande. Une fosse de rejet d’une activité métallurgique a livré les vestiges du travail de l’argent, du cuivre et du fer, datés entre la fin du Xe et le début du XIe siècle. Parmi ces déchets, une série de petites coupelles en terre cuite sont associées à l’affinage de l’argent par coupellation. Cette opération permettant de séparer un métal précieux de métaux moins nobles auquel il est allié est fondée sur l’oxydation différenciée de ces constituants. En phase liquide, l’argent demeure à l’état métallique tandis que le cuivre s’oxyde plus vite, mais cet oxyde est difficilement fusible et il faut ajouter du plomb pour abaisser le point de fusion et rendre possible son élimination : c’est l’emplombage. L’affinage de l’argent ou d’un alliage argent-cuivre se fait donc par ajout de plomb. Ailleurs en Europe, d’autres coupelles en terre ont été découvertes et posent la question de leur mode d’utilisation et de l’efficience de ces instruments dans des fours qui, pour la période, sont des foyers prenant la forme de cuvettes peu profondes où les hautes températures sont obtenues par ventilation mécanique, c’est-à-dire par l’action de soufflets.

Affinage en cours, Aubervilliers, juin 2023. © L. Saussus.

Suite à des expérimentations réalisées en juillet 2019 en collaboration avec Pr. Marcos Martinon-Torres et Dr. Yi-Ting Hsu (University of Cambridge), de nouvelles expérimentations ont été conduites en juin 2023 à l’Institut national du patrimoine à Aubervilliers. Après construction du foyer et fabrication de coupelles de terre, les différentes opérations ont permis de tester certains paramètres au cours de l’affinage de petites quantités d’alliages argent-cuivre. Il s’agissait par exemple d’observer les différents effets de l’ajout d’une couche de cendres d’os dans le creux des coupelles, décelée dans les coupelles du site d’Oostvleteren. Les coupelles en terre n’absorbent pas les oxydes métalliques : à hautes températures, le plomb et la silice forment une couche de vitrification qui empêche les oxydes d’y pénétrer. L’hypothèse est que cette couche de cendres permet de protéger la coupelle de la vitrification et, ainsi, de prolonger l’opération. Ces expérimentations ont également permis d’évaluer les durées des séquences, le nombre de coupellations nécessaires pour arriver à un argent presque pur, selon la prise de départ et la quantité de plomb ajoutée, et les difficultés liées au savoir-faire. Il s’agit à présent d’examiner les coupelles après usage (notamment par un examen au microscope électronique à balayage) et d’analyser la composition élémentaire du métal obtenu après une ou plusieurs coupellations.

L’équipe (de gauche à droite, en haut : Aurore Ledésert, Théo Levaltier, en bas : Lise Saussus, Yaël Peyran, Alice Moog, Nicolas Thomas), Aubervilliers, juin 2023. © Institut national du patrimoine.

Quelques références bibliographiques :

Martinón-Torres M., Thomas N., Rehren T., et Mongiatti A., 2008, « Some problems and potentials of the study of cupellation remains: the case of post-medieval Montbéliard, France », ArcheoSciences. Revue d’archéométrie, 32, p. 59‑70.

Moureau S. et Thomas N., 2016, « Understanding texts with the help of experimentation : The example of cupellation in Arabic scientific literature », Ambix, 63, 2, p. 98‑117.

Saussus L., Hsu Y.-T., Poulain M., Martinón-Torres M., Thomas N., et De Clercq W., 2022, « Refining silver at the castle: the rare case of a large early modern cupel from Middelburg-in-Flanders, Belgium », Archaeological and Anthropological Sciences, 14, 10, p. 185.

Saussus L. et Thomas N., 2019, Un atelier d’orfèvre autour de l’An Mil. Travail du cuivre, de l’argent et du fer à Oostvleteren (Flandre-Occidentale, Belgique), Louvain-la-Neuve, Presses Universitaires de Louvain, coll. « Collection d’archéologie Joseph Mertens », n˚ 18, 261 p.

Téreygeol F. et Thomas N., 2003, « La coupellation des alliages cuivre-argent : approche expérimentale de l’essai d’argent par voie sèche », Revue d’Archéométrie, 27, 1, p. 171‑181.

Thomas N., Martinón-Torres M., Goy C., et Rehren T., 2006, « La fouille archéologique du quartier Velotte à Montbéliard : nouvelles données sur des opérations de chimie oubliées », Bulletin de la Société d’Émulation de Montbéliard, 129, p. 441‑465.

Hsu Y.-T., 2022, Fire assay, cupellation and the dissemination of technical knowledge in post-medieval Europe, PhD Thesis of Philosophy, University of Cambridge, Cambridge, 464 p.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Lise Saussus (23 octobre 2023). Archéologie expérimentale à Aubervilliers : autour de l’affinage de l’argent. METALLICA. Consulté le 23 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/11uou


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